Bilbao – Portugalete

Luis l’hospitalier nous a bien expliqué les trois possibilités de Camino pour atteindre Portugalete : le métro durant 10 minutes ou bien 20 km par la montagne ou bien 14 km sur les bords del rio. J’ai choisi la troisième. Après avoir déjeuné avec Mey l’iranienne, elle m’a accompagné jusqu’à la Poste (son Camino terminé, elle quitte Bilbao ce soir car elle recommence à travailler fin de semaine, elle reviendra continuer plus tard) : et 850 gr en moins dans le sac à dos, youpie!

petit déjeuner à l’albergue de Bilbao

Michele l’italien et May l’iranienne

Michele, un italien pizzaïolo, sur son 3ième camino, cherchant les flèches jaunes, nous emboîte le pas, j’ai dormi dans le lit superposé au sien sans avoir pu lui parler car il est rentré tard et pas encore levé quand je quittais l’albergue. Très vite, marchant à mon rythme, je le dépasse et suis donc seule le long du Rio; pour sortir de Bilbao, c’est du bithume exclusivement ! Plusieurs ponts, tous différents, relient les deux rives. A Barakaldo, les piétons peuvent prendre une navette fluviale pour 1 euro de droit de passage. Impossible d’échapper aux docks, aux friches industrielles, aux taudis et aux squats, tout ce qui peut être taggé l’est dans toutes les couleurs. Très bizarrement, je me suis sentie aussi bien qu’hier. Avant, c’était un cauchemar de marcher en ville, le long des départementales, frôlée par les véhicules; aujourd’hui, bien centrée, le regard posé sur l’horizon, à l’écoute des bruits de la vie moderne, à l’affût de tout ce grand changement de décor, je marche les mains ouvertes : pas besoin de batons en ville.

Partie à 10h de Bilbao, c’est à 14h que j’aperçois le pont transbordeur suspendu de Portugalete, déclaré Patrimoine de l’humanité Unesco en 2006. vidéo de Portugalete 5 minutes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michele est arrivé avant moi en ayant pris la rive gauche, il a repéré où se trouvait l’albergue municipale et m’y emmène. Il est 15h20, la porte est fermée alors que l’horaire affiche ouvrir à 15h… C’est l’Espagne! Nous attendons 5 min et voici qu’un vieil homme vient nous ouvrir en boitillant : c’est l’hospitalier Carlos. Il m’enregistre ne manquant pas de me féliciter après surprise (de Belgique, en marchant! !Qué campeona! « no soy una campeona, hay gente que caminan desde Alemania, Holanda, etc… ») puis consciencieusement me fait le tour des installations m’indiquant où ranger les chaussures, les bâtons, choisir un lit, où se doucher, les éviers servant ici de lavabos, lave-linge, et lave-vaisselle. Le dortoir de 18 lits superposés est une ancienne salle de danse, deux murs sont couverts de miroirs et une paroi vitrée donne dans le hall sportif où a lieu ce soir l’entraînement de basket jusqu’à 22h30.

Rencontre de Rémy et Louisette, deux français ! ouf je peux quand même parler français sur ce camino du nord.  Visite de Portugalete, l’église Santa Maria où j’admire, couchée sur un banc les voûtes en coeur, ornées de médaillons des apôtres évangélistes, superbeau. Je repère la bibliothèque : ouverte jusqu’à 21h30, chouette j’aurai du temps après le souper. Au resto le menu du pèlerin ne nous attire pas et nous décidons d’acheter de quoi manger dans le supermercador juste en face. Chacun prend ce qu’il a envie de manger : Rémy prend des lasagnes congelées et des gros cannelonis farcis, du pain et de la confiture pour le déjeuner, Louisette de la salade, des asperges en bocal et du thon à l’huile et moi de la salade de blé, du gaspacho et du saumon fumé. Au final : un menu copieux à 5 euros chacun, elle est pas belle la vie de pèlerine?

Comme Louisette et moi avons préparé le repas et mis la table, c’est Remy qui n’a rien fait avant qui fait ola vaisselle et je file me connecter 20 minutes, juste le temps d’imprimer les feuilles de conversation espagnole que el pobre Bauduin a envoyé, merci infiniment elles tombent à pic : Angel l’hospitalier qui dort dans l’albergue cette semaine, parle avec Abi, une jeune Argentine de 23 ans, vivant à Buenos Aires. Angel est retraité, il était prof, ce que je pressentais car il corrige ma prononciation, je le fais bien rire quand je lui dis « soy un tonto de capirote »… je dois dire « una tonta » bien sûr. Le courant passe hyper bien si bien qu’il propose à Abi d’être mon prof demain et donc de marcher ensemble, ce que nous acceptons l’une l’autre immédiatement.

Angel et Abi

Vu les conditions d’hébergement, je prends soin de bien fixer les boules Quies et foulard sur les yeux et je m’endors comme une pierre. Suis réveillée par une voix d’homme qui jure en italien, il est minuit quinze, juste en face de mon lit, Michele l’italien tourne autour de son lit en soulevant tout, remue son sac à dos, visiblement il cherche quelque chose et chaque fois qu’il passe près de Remy (qui pourrait être son père) il lui donne un coup de pied. Remy lui lance un truc et il reprend de plus belle ses jurons, le reste du dortoir doit être bien réveillé mais personne ne bronche: Remy se lève et sort du dortoir. Michele se recouche. Silence. A peine suis-je arrivée à me détendre qu’à nouveau des voix d’hommes, cette fois c’est la police qui exige que Michele se lève et les suive. Louisette est ébranlée, je l’accompagne aux toilettes. En passant, nous découvrons Michele entouré de 5 policiers, Rémy en face les bras croisés, Angel l’hospitalier et son épouse Rosa la mine dépitée. Quelle affaire! En fait, Michele regardait un film sur son téléphone et la lumière gênait Remy qui lui avait demandé de l’éteindre plusieurs fois, lui rappelant qu’il n’était pas dans sa maison et que les règles de l’albergue sont de tout éteindre à 22h. La situation a dégénéré quand Remy lui a lancé un oreiller. La police a fait parler chacun à tour de rôle, cherchant à calmer les deux hommes, retrouver paix et sérénité sur le Chemin de Compostelle, si bien que j’ai été témoin de leur poignée de mains. Puis chacun a rejoint son lit et nous avons pu enfin dormir.

Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. (Saint-François de Sales)

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