Lundi : de Crozant à La Souterraine
La région a attiré de nombreux peintres dont Guillaumin de l’école de Crozant. Nous marchons dans la vallée de la Creuse, bien nommée vallée des peintres, durant 8 km à travers la forêt domaniale de la solitude, au long de la Sédelle, à la limite des départements de la Creuse et de l’Indre. Site remarquable en bordure du lac formé par la retenue du barrage d’Eguzon.
Un café à La-Chapelle-Baloue chez Elaine, dans un décor à l’anglaise : des céramiques peintes à la main, un énorme chat, des petites panneaux écrits à la main un peu partout. A 11h15 halte au lavoir de Chezaupion où nous sommes rejoints par Patrick et Regina partis après nous. Partage de pommes offertes par le Chemin. Après Saint-Agnon, pause pique-nique et sieste à l’ombre. Le Chemin nous gâte : valloné mais sans grand dénivelé, ciel bleu bleu bleu, milan royal, papillons, bergeronnettes et hirondelles, grenouilles, tout grouille de vie.
Arrivée à La Souterraine, sans carte (elle s’est envolée) ni adresse du gîte réservé et reste 1% de batterie sur le gsm. Dans la collégiale romane, il y a tout ce dont un pèlerin a besoin : un tampon, des adresses d’hébergement, de commerces, etc… Bruno appelle Martine Tribolle, de la chambre d’hôtes Saint-Michel, et elle a juste le temps de lui expliquer l’itinéraire que la batterie rend grâce. L’endroit est à recommander, aménagé par l’époux architecte de Martine, dans deux maisons mitoyennes : voir ici
Courses chez Leclercq et souper au jardin. Des draps, des serviettes, quel bonheur ! Cela fait tout juste un mois aujourd’hui depuis le départ. Le temps du bilan : 678 km soit 21 km de moyenne quotidienne. Todo camina bien, todo está caminando bien!
Mardi : de La Souterraine à Marsac
Sortis de la ville en suivant les coquilles de bronze, par la porte ancienne Saint-Jean aux alentours de 7h30. La ville tient son nom de la villa gallo-romaine Sosteranea.
Sagnemoussouse, Chamborand, Saint-Priest-la-Feuille, où nous croisons à nouveau Patrick et Regina pour leur deuxième jour ensemble. Nous décidons de pousser le Chemin jusqu’à Marsac, en zappant Bénévent-l’Abbaye. C’est toujours tout droit sur la D10 sauf quelques détours dans un hameau magnifique où nous nous faisons à nouveau dépasser par Patrick et Regina. Chemins boisés, à l’ombre, il fait très chaud. Pique-nique aux pieds d’un châtaignier et d’un charme qui s’entrelacent près de Neuville-Bateau. Plein de fruits, pommes, poires, prunes et raisins lors de la pause. A l’étang de la Brousse, quelques pêcheurs fort éloignés n’empêchent pas Bruno de se baigner, je le rejoins assez vite et c’est un régal de nager dans l’eau à la fois chaude en surface et fraîche en profondeur.
Arrivée chez Bernie (ici ) alors qu’elle n’est pas rentrée de sa journée de travail à la mairie ! Surprise : Nico nous accueille et nous indique notre chambre! Rencontre de 3 nouveaux pèlerins d’un coup. Cédric est aumônier dans un collège à Trouville-sur-Mer et emmène toutes ses classes chaque année, d’un jour pour les élèves de 12 ans jusqu’à une semaine pour les élèves de 18 ans, du moins ceux qui le souhaitent, sur les chemins de Compostelle, et c’est considéré comme des cours et inscrit dans le projet pédagogique! Admiration et enthousiasme. Alvaro et Caroline, partis de Saint Sébastien (près de Crozant) pour Limoges cette année, nous offrent l’apéro (Leffe et Hoegaarden svp!). Bernie nous rejoint et nous nous présentons mutuellement en partageant le repas. Bernie nous raconte avec grande émotion la naissance insolite (à notre époque) à Marsac de sa petite-fille Calie qui a fait l’objet d’un article dans le journal local La Montagne (ici ). Joie partagée. Nico arrose le potager et dort sous tente dans le jardin. Encore une belle journée.
Mercredi : de Marsac à Les Billanges
Départ 8h30, détour de 150 mètres pour voir la chapelle du XIIème siècle. A l’église d’Arrènes, nous retrouvons Cédric parti de bonne heure. Echange de chants : lui nous chante celui de Saint-Jacques (paroles du chant des jacquets et jacquettes ) et je lui chante celui de Saint-Gilles.
A l’église de Saint-Goussaud, un bœuf piqué d’épingles au pied du saint m’intrigue. D’après Françoise des Billanges, il semble que ce coin de France ait été difficile à évangéliser et que l’Eglise ait du faire des concessions au druidisme ancestral. Attention âmes sensibles : le bœuf symbolise la sexualité, les épingles piquées dans le bœuf de Saint-Goussaud ont donc pour objectif de réveiller et stimuler la sexualité de celui ou celle qui enfonce l’épingle ! ! ! Cédric nous rappelle à cette occasion la légendes liée à l’oratoire de Saint-Guirec où les jeunes filles célibataires piquent une aiguille sur le nez du saint. Si l’aiguille reste plantée, cela veut dire que le vœu de mariage sera exaucé avant la fin de l’année.
GR654, ancienne voie gallo-romaine. A Buzières, nous apercevons devant nous Alvaro et Caroline, partis de Marsac après nous. C’est ça le Chemin : chacun sa route, chacun son Chemin ! Nous marchons ensemble jusqu’au pique-nique où nous retrouvons Cédric qui, au cours de la conversation, nous apprend qu’il n’y a pas de cathédrale en Creuse! La Creuse dépend donc du diocèse de Limoges où d’ailleurs un nouvel évêque a été nommé par le pape François cette année, Mgr Pierre-Antoine Bozo. Son ordination le 3 septembre prochain est annoncée dans toutes les églises où nous entrons. En fin de pique-nique, nouvelle surprise : Regina et Nico, s’étant retrouvés par hasard, marchent ensemble jusqu’aux Billanges. Cédric y va aussi, et nous également ! Caroline et Alvaro logent à La Besse, nous prenons congé, nous ne nous reverrons plus car ils terminent leur périple à Limoges.
Les six derniers kilomètres avant Les Billanges sont éprouvants : chemins caillouteux, dénivelés très accidentés, temps orageux, 600 mètres plus haut que la veille, le Chemin nous offre moins de mûres que la veille. Un énorme mirabellier nous comble d’aise au pied duquel j’observe des abeilles en plein butinage dans les mirabelles tombées, signe évident d’un manque de nectar dans les fleurs, dû à la grande sécheresse de cette année.
Arrivée « chez Françoise » (ici ), étape haute en couleurs, et c’est peu de le dire. Passionnée de céramique et de poterie, Françoise a embelli sa maison de ses œuvres très colorées. A découvrir si vous passez par là. Regina et Cédric se reposent dans l’herbe. Douche. Lessive. Paquetage du sac, moins 500 grammes de pages de guide inutiles à Bruno qui doit rentrer en Belgique demain. A table, nous nous régalons d’un plat de spaghettis végétariens. Miam Miam Miam. Françoise nous réjouit d’un air d’accordéon diatonique et nous nous disons au-revoir en échangeant nos adresses mails pour le partage des photos du Chemin. Demain, lever prévu à 5 heures.
Jeudi : Les Billanges – Saint-Léonard-de-Noblat – Limoges
Dans le plus grand silence possible, nous déjeunons d’une tasse de café bien fort et d’un morceau de baguette et d’un reste de marmelade aux prunes. Puis nous nous mettons en marche dans la nuit noire. Le guide Lepère indique 19 km en 4h30. Nous avons compté 30 minutes de sécurité pour prendre le train à Saint-Leonard-de-Noblat à 11h59. Le train de Bruno part de Limoges à 13h16.
Tout en marchant, nous assistons à l’aube (de alba, blanche en latin), la première lueur du soleil qui commence à blanchir l’horizon, puis à l’aurore, la lueur brillante et rosée qui précède le lever du soleil, et enfin au lever du jour. Les oiseaux nous saluent de leurs chants joyeux. Quelques coqs également. 4 km sur départementale puis GR. Le Chemin est très très beau : vastes panoramas nappés d’écharpes de brume, petits sentiers entre prairies où des troupeaux de limousines nous regardent avec curiosité. C’est la région du veau élevé sous la mère qui donne une couleur blanche à la viande, veau de lait ! Le taureau est au milieu et la saillie a lieu suivant les lois de la nature, quand la vache est à nouveau disponible.
Légèrement essoufflés, nous arrivons à Saint-Léonard-de-Noblat, tout en hauteur ! 5 minutes pour le tampon sur la crédencial à l’Office du Tourisme, 10 minutes pour visiter l’église abbatiale et 10 minutes pour rejoindre la gare, tout en bas du village.
A la gare de Limoges-Bénédictins, dernier dîner en tête à tête et Bruno repart dans le nord.
Bonjour Fabienne,
J’ai le plaisir de découvrir ton parcours à travers ce site. Depuis quelques années, je rêve de découvrir la Creuse et te savoir dans ces contrées me réjouït, d’autant plus qu’imaginer que tu sois arrivée là-bas en marchant m’impressionne beaucoup. Je te souhaite une belle route vers Saint-Jacques, pleine de découvertes et de repos intérieur. A bientôt ET BONNE ROUTE, Olivier
Ces quelques étapes parcourues avec Fabienne m’ont permis de vivre avec elle le « chemin » : vivre l’instant présent, lentement, prêt à des rencontres qui nous transforment en profondeur dans la simplicité….