dimanche 6, lundi 7 et mardi 8 août

 

Dix-septième étape : de Boissy-ss-St-Yon à Etampes

Hier, avec Françoise, je suis allée à la messe au terme de laquelle le père Flour nous a signé la crédencial. Souper avec Pierre, le mari de Françoise, des tomates cœur de bœuf de sa serre de diouss et moi qui croyais manger que des crasses sur le Chemin !

Me suis couchée tard pour relater nos aventures, et sans avoir pu transférer les photos du téléphone sur Dropbox, ça a donc été la première tâche de ce dimanche. Petit déj : pain grillé confitures maison, miel d’acacia (un délice!) jus d’oranges, croissants, deux cafés, si bien que Françoise nous propose de nous conduire à Saint-Sulpice-de-Favières, la plus belle église de village de France. Suis entièrement d’accord : quelle clarté, quel silence dans cette église, quelle paix!

Un amour de Chemin sous un ciel bleu bleu bleu, rempli de petits nuages moutonneux, une brise fraîche, à travers sous-bois, prés et champs de blé et de colza moissonnés pendant 7km. Mauchamps, Arrivées à un croisement, aucune balise, les explications du guide Lepère nous laissent perplexes! Elodie se décide à lancer Googlemap quand arrive, sorti de nulle part, un cycliste sénégalais. Il s’arrête près de nous. Nous lui demandons notre direction, et grâce au GPS sur son guidon (pas plus grand qu’une carte de crédit!), il nous indique notre route. Nous poursuivons en suivant les coquilles et les balises, à partir de maintenant bien visibles. Merci à tous les baliseurs bénévoles de ce Chemin de Sain-Jacques, quel bonheur de savoir quand on est sur le bon Chemin. Un peu avant Etampes, une énorme butte de sable nous fait barrage. Heureusement que l’hospitalier d’Etampes, Damien, nous avait prévenues : vous traverserez un chantier de route en travaux de construction, c’est bien par là, allez y. Ce dimanche, c’est un vrai désert sous un soleil de plomb.

Nous logeons à l’accueil pèlerin du presbytère d’Etampes, où Damien nous accueille avec un jus d’oranges frais. Slurp ! partage de nos aventures respectives, lui a fait Saint-Jacques d’Aix-la-Chapelle à Reims et n’a qu’une seule envie, c’est de remarcher en Belgique !

Visite de la collégiale Notre-Dame-du-Fort où je photographie une statue en bois de Saint-Jacques souriant de toutes ses dents, hyper sympa. Souper dans le jardin du presbytère près du poulailler « années 70 » une poule funky, un coq à pattes d’éph, une poule anglaise au plumage raku craquelé et dodo dans dortoir.

Dix-huitième étape : d’Etampes à Angervilles

Elodie a marché douze jours seule. C’est au dixième jour de mon périple que nous nous sommes rencontrées. Jour après jour, je découvre une jeune femme vraiment sympa, hypercool, qui ne se met jamais la pression. J’ai beaucoup à apprendre de cette manière d’envisager le Chemin. Sa phrase est « Le pèlerin ne sait pas où il va mais le Chemin, lui, le sait. » Nous marcherons ensemble jusqu’à Orléans. Après, elle continue sur la voie de Tours, alors que j’ai l’intention de descendre plein Sud pour rattraper « la voie de Vézelay » à Charost (après Bourges).

Cette étape se déroule entièrement dans le département de l’Essonne, mais nous nous sentons presque dans la Beauce. La plaine est lisse, presqu’exclusivement consacrée à l’exploitation des céréales ou des betteraves. Quatre heures trente dont trois heures cinquante que de goudron (aïe aïe aïe les hanches). Nous marchons l’une derrière l’autre, sur les bords d’une départementale, ancienne voie romaine, quand s’arrête à notre hauteur une voiture qui se range sur le bas-côté. En sort un monsieur à la voix forte et décidée, « Vous êtes pèlerines? vous allez à Angervilles? » Oui « Bon, eh bien je vais vous dire par où vous devez passer, car nous on les voit les pèlerins faire des tours et des détours alors qu’il y a un chemin direct : à Saclas, vous prendrez à droite, puis au terrain de tennis à gauche jusqu’au premier stop; au deuxième stop à droite, ne passez pas à Monnerville, passez à Merreville ! » Mais l’hospitalière nous a dit de ne pas passer à Merreville? Il reprend avec encore plus de force « Si si il faut passer à Merrevile, c’est le plus court, je le sais bien puisque j’ai été ouvrier agricole, tous les chemins d’ici je les connais comme ma poche ». Notre ange du jour s’appelle Jean-Philippe. Et juste avant le pique-nique à Merreville (dans le parking vélos de la mairie), un rêve de sentier de terre boisé, feuillu, à l’ombre, accompagnées par le chant des oiseaux, du bonheur!

A Angervilles, nous logeons dans la salle de caté juste à côté de l’église et de ses deux cèdres du Liban majestueux. Nos lits sont installés sur une petite estrade dans le fond de la salle, où règne un silence très propice à une bonne nuit de sommeil. Coup de téléphone à l’hospitalier du lendemain, M. Forget, qui nous annonce de la pluie et des conditions météo difficiles pour toute la journée de marche. Elodie me rassure, les prévisions, ça reste des prévisions, on verra bien !

Dix-neuvième étape : d’Angervilles à Artenay, le mardi 8 août 2017

Longue étape de 30,5km. Nous partons dès 8h et marchons jusqu’à 10 h sans nous arrêter. A Armonville le Sablon, collation devant un petit étang. J’ai fait peur au facteur en lui disant « Bonjour » alors qu’il sortait de son véhicule en regardant la boîte aux lettres, il ne s’attendait pas à rencontrer quelqu’un, le village est complètement déserté, c’est la Beauce, durant les vacances ! à l’exception d’un couple d’hirondelles, très affairé à nourrir ses petits. De 10h à 11h30 nous atteignons Toury et nous nous accordons un grand café dans un bar-tabac. Regards interrogatifs des gens présents, vraisemblablement ils voient peu de pèlerin(e)s dans ce bled. De 11h30 à 13h, du côté gauche de la route un ciel d’apocalypse, de l’autre plein d’espaces bleus entre les nuages, au milieu un couloir, nous atteignons Tivernon à sec et nous y pique-niquons sur le parvis de l’église. Je m’affale au pied d’un tilleul, déjà 20 km dans les jambes. Une pause royale d’une heure vingt et au moment de redémarrer, un homme descendu de son tracteur se dirige vers nous, tout sourire, « si vous le souhaitez, il y a un robinet sur le côté de l’église, elle est potable ». Guillaume est agriculteur, et trop content de faire causette, il nous indique un chemin bien plus sympa pour relier Artenay. 

Quel pied ! un chemin de terre longeant le chemin de fer, qu’empruntent les tracteurs : nous y croisons les premiers animaux de la journée : petits lapins à la queue blanche sautillant, des mini-lézards zigzaguant devant nos pas, un chevreuil bondissant, une famille de petites cailles courant dans les blés coupés, des papillons. Il reste deux kilomètres avant le but de la journée quand tous les signaux de mon corps virent dans le rouge, ça chauffe de tous les côtés, les pieds en feu, les épaules, la nuque, et une douleur insupportable au niveau des ligaments du tibia, un peu au-dessus de la cheville, là où il n’y a pas de muscle! Elodie a senti la même chose il y a quelque temps! Je suis sûre que nos pieds ne sont pas faits pour marcher autant sur du goudron… Il n’y a que du repos, elle me propose de ralentir le rythme jusqu’à la route, histoire de croiser une voiture. Un léger massage à l’huile essentielle d’Hélichryse Italienne sur cette zone hypersensible, efforts raisonnés pour atteindre la route et je m’assieds contre un pilier de l’aérotrain à la sortie d’Assas. J’ai marché 28 km aujourd’hui avec 10 kg sur le dos. Je connais au moins ma limite (actuelle).  Là j’appelle par téléphone notre hospitalier du jour. Mais il est à Orléans et donc pas disponible avant 18h30. Dans l’état, je ne veux plus marcher pour ne rien empirer. Je crains de devoir arrêter le pélé et je prie Saint-Jacques de m’envoyer une voiture et une bonne âme qui me conduirait à Artenay. A peine ai-je terminé ma prière de demande que Guillaume, le même qu’à la pause du pique-nique, surgit avec son chien qui me fait trop penser à Lafayette dans les Aristochats. Il passait « par hasard ». Il est super heureux de nous rendre service et nous emmène dans sa vieille Kangoo toute cabossée, je prends place à l’arrière sur la roue de secours avec Hercule. Nous voici à Artenay à 17h30, dans l’attente de l’hospitalier. Il n’y a qu’une chose à faire : boire un verre avec Guillaume !

Plus tard dans le presbytère, j’ai déposé le sac à dos, pris une douche et plouf j’ai plongé dans le lit, où je me suis endormie instantanément. Même pas faim. J’ai à peine observé qu’Elodie fermait la porte tout doucement.

 

 

 

 

One Reply to “dimanche 6, lundi 7 et mardi 8 août”

  1. Hercule et Guillaume, mais c’est presque Hector et Guillaume ça ! :-)). Contente de te lire et de voir que ton périple se poursuit de si belle manière. Heureuse aussi que tu te sois octroyé un jour de repos. Il était temps ! Fini les étapes de 30 km. Hein ? Je suis curieuse de lire ton parcours Orléans – Charost (J’ai remis dans dropbox la fiche avec les hébergements et … la sncf (pourquoi n’aurait-elle pas le droit aussi à son petit morceau de Compostelle ? 😉 ) Bon courage et merci encore de partager ton expérience avec nous. Je dévore tes articles jour après jour.

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